Fascinée par des échanges épistolaires, des statuettes et des photographies, Émilie Pierson compose des installations qui mêlent la sculpture, l’écriture et la vidéo de manière sensible et minimale. C’est après la perte de son père que l’artiste développe une pratique artistique très personnelle basée sur la reconstruction d’une mémoire évaporée. Entre passé et présent, elle tente de faire le deuil, menant une enquête dans laquelle les objets et les discours sont les derniers témoins.C’est donc à partir de cette nostalgie familiale que l’artiste franco bulgare fait de la mémoire un thème de prédilection. En effet, Émilie Pierson s’inspire de nombreux rites traditionnels bulgares en proue à disparaître. Elle souhaite se rapprocher de leurs formes initiales par des gestes pris entre authenticité et contemporanéité. Ses œuvres s’adressent au commun des mortels et touchent de près au mysticisme de la vie ainsi qu’à l’archivage et la conservation des mémoires.
– Nadiejda Hachami, Catalogue 69e édition Jeune Création
Following the loss of her father, Emilie Pierson developed a very personal artistic practice based on the reconstruction of an evaporated memory. In between past and present, she tries to mourn, conducting and investigation in which objects and speeches are the last witnesses. It is from this family nostalgia that she makes memory her favorite theme. She is inspired by many traditional Bulgarian rites that are in danger of oblivion. She wishes to get closer to their initial forms through gestures that are authentic and contemporary. Her works are closely relate tothe mysticism of life as well as to the archiving and preservation of memories.
– Nadiejda Hachami, Catalogue 69e edition Jeune Creation.
Les œuvres d’Émilie Pierson mettent en scène des récits tissés de rares réminiscences. Ses acteurs (sa famille, les grands hommes, les géants, elle et nous), ses décors (la mer Noire, la France, la Bulgarie, la rue, le musée), ses temps (hier, aujourd’hui, ailleurs) se mêlent. Que croire?
Pour la réalisation de l’ouvrage Milles pensées à toi (2018), l’artiste s’est plongée dans les lettres que sa mère bulgare envoyait à son père français suite à leur rencontre dans la station balnéaire de Slantchev Briag. Sur son ordinateur, elle a transcrit les innombrables mots de cet amour empressé, exprimé dans un français hésitant à la graphie approximative. Elle les a ensuite ciselés afin de ne magnifier, sur les pages blanches offertes au lecteur, que les signes irrationnels de la passion : un prénom qui revient sans cesse en écho, la répétition litanie des sentiments exaltés, les souvenirs partagés qui tentent de combler l’angoisse liée à l’absence.
Avec СПОМЕНИ 57 – 82 (Souvenirs 57 – 82) (2019) elle poursuit son exploration des archives afin d’apprendre et comprendre ce qui a construit sa mère, ou, plus exactement, ce qui l’a construit elle, à travers les souvenirs de la mère. Elle a cheminé dans les photographies familiales, récupéré des objets, recueillis des paroles. À nouveau, elle a épuré et recardé pour insister sur des détails, comme des indices ou des stigmates. En fixant sur les murs ces flashs à la dimension symbolique écrasante, l’installation nous contraint à l’arrêt ; puis elle nous invite à écouter, à accepter ou non de répéter, de revoir, d’avancer.
Nos mémoires comme nos légendes sont cousues par la nécessité de croire. Entre le Nouvel An et le Carême, la monstruosité et le bruit des cloches portées par les Kukeri font fuir les mauvais esprits. Les processions, comme les rites collectifs, ne disparaissent pas. Le colosse allongé à qui l’on demande, ou qui nous demande ; Entends-tu les cloches sonner? (2019), souligne la permanence cyclique des relations entre désirs et peurs, éléments inaliénables en chacun de nous.
– Marc Aufraise, Catalogue Prix d’Art Robert Schuman 2019
Émilie Pierson’s works stage stories woven with rare reminiscences. Its actors (his family, the great men, the giants, she and us), his decorations (the Black Sea, France, Bulgaria, the street, the museum), his times (yesterday, today, elsewhere) are mingle. What to believe?
For the production of the book Thousand thoughts going out to you (2018), the artist immersed himself in the letters that his Bulgarian mother sent to his French father following their meeting in the seaside resort of Sunny Beach. On her computer, she has transcribed the innumerable words of this eager love, expressed in a hesitant French with rough spelling. She then chiseled them in order to magnify, on the blank pages offered to the reader, only the irrational signs of passion: a name that keeps on echoing, the litany repetition of elated feelings, the shared memories that try to fill the anxiety linked to absence.
With СПОМЕНИ 57 – 82 (Memories 57 – 82) (2019) she continues her exploration of archives in order to learn and understand what built her mother, or, more exactly, what built her, through memories from the mother. She walked in family photographs, recovered objects, collected words. Again, she purified and re-dotted to emphasize details, such as clues or stigma. By fixing these flashes with an overwhelming symbolic dimension on the walls, the installation forced us to stop; then she invites us to listen, to accept or not to repeat, to review, to move forward.
Our memories as our legends are sewn by the need to believe. Between New Year and Lent, the monstrosity and the sound of the bells carried by the Kukeri scare away evil spirits. Processions, like collective rites, do not disappear. The elongated colossus to whom we ask, or who asks us; Do you hear the bells ringing? (2019), underlines the cyclical permanence of the relationships between desires and fears, inalienable elements in each of us. – Marc Aufraise, Robert Schuman Art Prize Catalog 2019