КАТЕРУШКА 1 et 2

КАТЕРУШКA 1 ET КАТЕРУШКА 2 (GRIMPEUR 1 ET GRIMPEUR 2)
Sculptures, 2022, acier, 2 m x 83 cm x 2 m / 1 m x 84 cm x 2 m,
avec le soutien de la DRAC Grand Est et Bliiida.
Vue d’exposition (PAS)HIER, commissariat : Matthias Ruthenberg,
Galerie der HBKSaar, Sarrebruck (DE). © Émilie Pierson

КАТЕРУШКА 1 (GRIMPEUR 1) et КАТЕРУШКА 2 (GRIMPEUR 2), deux premières sculptures d’une potentielle série, s’inscrivent dans les recherches menées depuis 2018 par Émilie Pierson autour des notions de déplacement et de transmission. Ses œuvres – installations, éditions – transfèrent dans le white cube des formes ritualisées, des cérémonials propres à l’espace public et à la mémoire collective, mais également des objets privés – photographies, lettres – chargés de souvenirs et de sensations intimes. Découvrir les GRIMPEURS (1 et 2), c’est d’abord se replonger dans l’héritage formel d’un art minimaliste. Grâce à la mise à distance imposée par l’ampleur de ces structures, à force de tourner autour, c’est ensuite deviner un tube, un tunnel, une voie possible d’accès pour les traverser. Et pour cause, ces réseaux de lignes fixes reproduisent des modèles de JungleGym : des agrès ludiques et pédagogiques, destinés à réveiller l’instinct du singe chez l’enfant, emblèmes de l’aire de jeux populaire. Œuvres d’art a priori intouchables, les GRIMPEURS (1 et 2) dégagent pourtant une tension palpable. Ils reproduisent dans le champ de l’art l’opposition structurelle induite par l’expérience pratique de ces jeux : d’un côté, leur ambition libératrice – encourager et canaliser l’énergie de l’enfance, favoriser l’équilibre entre le désir de l’aventure solitaire et la socialisation ; de l’autre, un lieu fermé, grillagé, une cage à poule. À partir de leur présence sur des photographies d’album de famille, Émilie Pierson a redessiné, mis des cotes sur ses plans et confié à un artisan la réalisation des GRIMPEURS (1 et 2). Par cette reconstruction, elle ravive le souvenir de ses étés en Bulgarie, transformant ces traces en vestiges d’une histoire partagée, attachée en Europe à l’idéal politique des logements sociaux après la 2 nde guerre mondiale. Patiemment, régulièrement, elle a travaillé le métal lisse avec de l’eau salée. La répétition de son geste, touchant au rituel de soin, a accéléré le développement de la rouille. La décrépitude se poursuit maintenant seule, couleurs et teintes soumises aux circonstances puisqu’aucun vernis n’est venu stopper le processus de vieillissement. Aujourd’hui, ces symboles d’une jeunesse innocente disparaissent progressivement de nos paysages urbains pour des raisons de sécurité. Dans la mémoire d’Émilie Pierson, l’enlèvement de ces objets s’associe à la chute des effigies communistes, à ces « images fortes de démantèlement de monuments ». Elle les relie à une impression d’uniformisation née avec l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne. De l’impression de liberté au contrôle social, de la survivance à la perte, les GRIMPEURS (1 et 2) nous font sans cesse osciller. La translation spatiale et temporelle de ces réminiscences attise la plaie de leur perte et nous plonge dans la douceur amère de la nostalgie. – Marc Aufraise

error: Content is protected !!